Loi Levi (Italie)

Législation et guerre des prix pour sauver le marché du livre italien


    Comme en France, le marché du livre italien a été fortement touché par la crise économique . Bien que la situation soit un peu différente de l'autre côté des Alpes, car le marché du livre était boudé par les italiens bien avant que celui-ci ne rencontre une nouvelle difficulté dès 2009, les reformes qui ont été adoptées ces dernières années se rapprochent des réformes françaises. 

    En 2011, le gouvernement italien ratifie une loi dans le but de protéger et venir en aide aux librairies indépendantes face à la crise. La loi Levi réglemente dès lors les réductions et remises sur les prix des livres. Ainsi, les libraires, les grandes distributions et les entreprises de vente en ligne ne pourront réduire les prix de vente des livres que de 15% maximum. Une réforme trop sévère pour  les personnes concernées, qui étaient habituées à pratiquer des réductions beaucoup plus importantes. Les éditeurs, qui disposent quasiment tous de points de ventes, peuvent étirer la réduction jusqu'à 25% du prix mais sous certaines conditions. En effet, cette réduction ne peut s'appliquer que sur une durée inférieure à un mois, et jamais pendant le mois de décembre qui correspond au mois le plus rentable de l'année, période de fêtes oblige. 

     Le but de la loi Levi était de rééquilibrer la guerre prix qui sévissait depuis longtemps dans la Péninsule.  La concurrence était devenue trop dure pour les petits libraires face aux grands groupes tels qu' Amazon. La baisse de fréquentation des librairies que l'on constate depuis quelques années déjà en Italie n'est seulement dû à la crise. Les italiens ne lisent plus et cette loi était censée valoriser l'achat de livre, ou du moins relancer l'intérêt du livre auprès des consommateurs. Interdire les trop grosses réductions aurait du favoriser la consommation mais à long terme, on s'est rendu compte que cela n'avait pas eu l'effet escompté. Cela a eu l'effet inverse. Les consommateurs ont vu rouge lorsque la loi est entrée en vigueur, dénonçant les prix trop élevés.  Certains libraires avaient même envisagé d'ouvrir leurs sites de vente en ligne à l'étranger pour pouvoir continuer à réduire les prix . 

     Les bibliothèques ont également été touchées par cette réforme. Elles qui auparavant pouvaient bénéficier d'une réduction de 25 à 30% sur le prix initial, ont vu les prix des livres considérablement augmenter. Résultat, certaines bibliothèques ont été obligées de réduire leurs achats et donc de réduire l'offre qu'elles proposent à leurs abonnés. Cela représente environ 3500 ouvrages en moins par an pour certaines. En revanche, les grands gagnants de cette loi sont les livres numériques ou E-book puisqu'elle ne s'applique pas à eux. Bien qu'ils ne représentent pour l'instant qu'une petite fraction du marché (entre 0.3 et 0.4%) et taxés à 20% sur la TVA contre 4% pour les livres imprimés, leurs ventes ont explosé depuis la mise en place de la loi et ne cesse  d'augmenter encore aujourd'hui. 

    La contestation des consommateurs se portait principalement sur le fait que les prix exercés par les éditeurs sur les nouveaux livres étaient beaucoup trop chers et qu'ils ne pouvaient pas se permettre de s'offrir des livres devenus presque des produits haute gamme. Les librairies,elles, n'ont pas vu d'un mauvais œil l'arrivée de cette loi, espérant réellement que ça allait pouvoir relancer la consommation et surtout minimiser la place qu'occupent les grands groupes de vente en ligne.  L'une des lacunes de cette loi a été de ne pas prévoir ou définir assez clairement les poursuites encourues par ceux qui ne suivraient pas les règles. Par conséquent, de nombreux éditeurs sont passés outre et ont continué à pratiquer des réductions de prix largement supérieures à 15%. La seule sanction existant à ce jour est une simple amende, qui sera attribuée au magasin qui pratique ces réductions abusives directement, l'éditeur ne sera en aucun cas inquiété.  Si un libraire souhaitait faire un recours en justice pour dénoncer une concurrence déloyale de la part de certains éditeurs, il n'y serait pas autorisé. Les italiens ayant regardé de l'autre côté de Alpes pour voir comment la situation se goupillait, commencent à penser à l'éventualité de créer un "médiateur du livre", qui serait là pour régler les différents. 

    En réponse à cette loi Levi, plusieurs initiatives ont été créées par certaines maisons d'éditions. A commencer par le leader absolue du marché en Italie, l'éditeur Mondadori. La maison d'édition a proposé un accord à près de 320 librairies indépendantes . L'idée est qu'elles commandent les nouveaux livres chez Mondadori et ne payent que les exemplaires qui seront vendus, sans délais de temps. Ainsi, chacun y trouve son compte : les libraires ne perdent plus d'argent et Mondadori continue de régner sur le marché du livre italien. Le danger de ces accords est de se retrouver avec une omniprésence des livres Mondadori sur les étagères des libraires. La seconde initiative qui mérite d'être soulignée car elle a fait grincer bien des dents, concerne le groupe Newton Compton. La maison d'édition italienne, qui depuis 40 ans s'est spécialisée dans les livres à bas prix (et dans le livre numérique depuis 2010), a lancé une collection en février 2013 de livres à 0.99 centimes. Il clamait haut et fort le droit à la culture à moins de 1 euro, justifiant le bien fait de leur initiative par le fait que le livre est un bien de consommation populaire et qu'il doit être accessible à tous. Les libraires ont vivement réagit, faisant remarquer que le livre était en train de devenir un pur produit de marketing sans aucune valeur. De plus, le manque à gagner sur ces livres sera énorme et les libraires n'auraient d'autre choix que de vendre une multitude de ces livres pour ne pas perdre d'argent. Le prix d'un livre se négocie abaisser son prix d'une telle façon déprécie sa valeur. Certain au contraire trouve l'idée remarquable et si cela peut encourager  certaines personnes à lire Freud par exemple, cela n'en sera que positif. La maison d'édition a rencontré un tel succès avec sa collection qu'en Mai 2013, elle rajoutait 12 livres à 0.99 centimes sur les étagères des libraires.